Cet article examine les limites de la « parrhésie cynique ». Sur la base d’un travail de terrain dans la ville de Dublin en poste‐récession avec des artistes activistes, je décris leurs efforts difficiles pour utiliser une expression artistique aventureuse afin de provoquer un éveil critique dans un public d’étrangers, qui répond au contraire avec dérision. Je me concentre donc sur une caractéristique étroite mais répandue du travail et de la vie des artistes, ainsi que sur l’expérience du public face à des styles de critiques publiques provocantes : la rencontre avec l’inintelligibilité et l’aliénation dans la sphère publique. Je déploie donc la « mauvaise parrhésie » comme un outil permettant d’examiner les facteurs qui empêchent les artistes d’établir la relation critique souhaitée avec le public. Néanmoins, bien que ces rencontres parrhesiastiques ne réussissent pas, je soutiens qu’elles ne débouchent pas sur une absence de relations sociales, mais sur des relations plutôt « antisocial ». S’écartant des lectures de la parrhésie comme une forme d’individualisme, corrosive pour la rationalité, ou une réaction ludique contre les échecs de la politique démocratique libérale, je plaide pour encadrer la parrhésie comme une relation de contestation sur les types de critiques publiques qui sont jugées comme des réponses intelligibles et valables aux moments de crise culturelle dans les démocraties libérales du Nord.