La morphologie d’un individu peut améliorer ses performances d’évitement de prédation et, au final, sa survie. Les poissons de la sous‐famille des sicydiinés se reproduisent dans les rivières, puis leurs larves croissent et se développent dans la mer pendant plusieurs mois. Lors de leur retour en rivière, les juvéniles font face à de nombreuses espèces de poissons prédateurs. Certains juvéniles de sicydiinés peuvent grimper la première cascade qu’ils rencontrent et ainsi accéder à des zones, en amont de cette dernière, où l’abondance de prédateurs est réduite. Cependant, la survie des juvéniles de sicydiinés qui ne grimpent pas la cascade dépend fortement de leur capacité à éviter les prédateurs. Les facteurs pouvant influencer les performances de grimpe des sicydiinés ont été largement décrits, à l’opposé de ceux affectant leurs performances d’évitement de la prédation. Notre étude expérimentale avait pour objectif de décrire l’effet de la pression de prédation de trois espèces de poissons (Eleotris klunzingerii, Kulhia rupestris and Anguilla marmorata) sur la morphologie des juvéniles de deux espèces de sicydiinés de La Réunion (Cotylopus acutipinnis et Sicyopterus lagocephalus). Les individus des deux espèces de sicydiinés qui survivaient à la prédation avaient en commun d’avoir un corps hydrodynamique et des nageoires pectorales longues et/ou larges. D’autres variables morphologiques associées à la performance d’évitement de la prédation différaient en fonction de l’espèce de prédateur. Nous avons également montré que les morphologies des individus qui ont survécu à la prédation étaient globalement différentes de celles des individus qui grimpent les cascades. Les différences de morphologies des proies sélectionnées par les trois espèces de prédateurs devront être prises en compte dans les études de terrain concernant le compromis entre grimper des cascades et échapper à la prédation chez les sicydiinés. Par exemple, une description précise de la communauté de prédateurs présente dans les zones aval des cours d’eau peut aider à comprendre quelle(s) espèce(s) de prédateur(s) les sicydiinés doivent éviter et comment cette pression de prédation peut influencer leur morphologie.