Le jugement de l’auditeur à l’heure de la quatrième révolution industrielle
Le discours annonçant l’avènement d’une quatrième révolution industrielle prédit d’importantes perturbations dans divers domaines de travail dans un avenir proche. L’audit est l’un des domaines où l’on fait des affirmations audacieuses sur le potentiel de la technologie, laquelle est censée fortifier le jugement des auditeurs et, à terme, peut‐être même l’automatiser. Sur la base de 44 entretiens approfondis avec des auditeurs, des régulateurs et des fournisseurs de logiciels d’intelligence artificielle émergente, les auteurs remettent en question le discours dominant sur le changement technologique en audit qui suggère que les tâches techniques apparemment simples et peu exigeantes représentent des secteurs où peu de jugement intervient, et qu’elles sont donc propices à l’automatisation. Les auteurs démontrent que des éléments importants de délibération, de construction de sens et de réflexivité, sans doute essentiels à la socialisation des auditeurs en début de carrière dans la profession, peuvent être perdus lors de l’automatisation de secteurs de travail perçus comme étant de faible valeur, ce qui les amène à s’interroger sur le sens de l’exercice du jugement en audit. De façon inverse, des aspects de niveau supérieur du processus d’audit peuvent être assistés par la technologie et renforcés de différentes manières, mais les nouvelles structures technologiques génèrent de nouvelles zones d’indétermination posant de nouvelles exigences, encore non satisfaites, en matière de jugement des auditeurs. Dans l’ensemble, cet article montre comment les habitudes des auditeurs évoluent et expose les risques liés aux nouvelles technologies pour l’acquisition de connaissances pratiques par les auditeurs.