L'audit et le développement de l'état moderne
De précédentes études ont mis en lumière le rôle crucial que joue la comptabilité dans la construction ainsi que le développement de l'état. Toutefois, la façon dont la comptabilité est conçue et mise en œuvre à titre de technologie de gouvernement n'a suscité que peu d'intérêt. Les auteurs adoptent une perspective historique et procèdent à une vaste analyse de données d'archives sur l'expérience canadienne afin d'étudier de quelles façons les méthodes comptables ont été considérablement étendues et perfectionnées au fil du temps. Petit à petit, la comptabilité a réussi à pénétrer plus avant l'appareil de l'état, de sorte que le pouvoir et l'influence accordés aux professionnels de la comptabilité étatique ont augmenté. La contribution des auteurs à la recherche comptable existante sur la gouvernementalité se présente en deux volets principaux. En premier lieu, les auteurs expliquent en quoi le pouvoir de territorialisation de la comptabilité a des dimensions transnationales. L'initiative canadienne a été stimulée par les initiatives simultanées du Royaume‐Uni, des États‐Unis et de divers autres pays du Commonwealth. Les trajectoires similaires de ces diverses initiatives nous amènent à envisager la comptabilité comme étant une coconstruction dépassant les frontières, un processus que les auteurs appellent la territorialisation transnationale. En second lieu, les auteurs démontrent l'importance cruciale du rôle qu'ont joué les intervenants clés dans cette territorialisation transnationale. Les vérificateurs généraux se sont efforcés, tant individuellement que collectivement, de faire valoir avec habileté le potentiel évaluatif de la comptabilité auprès des principaux fondés de pouvoir des appareils l'état, s'attribuant ainsi une position avantageuse. Ces constatations mettent en lumière le rôle indispensable que sont appelés à jouer les agents sociaux habiles et réfléchis dans l'élaboration des technologies comptables, rôle qui, jusqu'à présent, n'a pas été apprécié à sa juste valeur dans les écrits existants sur l'audit des comptes publics.