Résumé
Le dualisme du corps et de l’esprit fonde l’approche médicale de l’homme et de ses maladies depuis les origines de la médecine occidentale. Pourtant, lorsqu’on se réfère à l’étymologie des mots de la douleur, il semble bien que la distinction entre douleur physique et douleur morale ou psychique (approche dualiste de la douleur) soit une donnée récente de notre histoire, postérieure à Descartes, que la médecine n’a fait sienne qu’au cours du xix e siècle. Aujourd’hui, force est d’admettre que cette approche dualiste de la douleur reste encore de mise en médecine, en dépit de l’orientation matérialiste quasi exclusive des neurosciences. Or, la distinction de la douleur, dite « psychogène », qui en découle, semble mener à une impasse susceptible de remettre en question le principe même de l’approche dualiste de la douleur. De plus, nombre de faits ou de situations en rapport avec la douleur, tels que le phénomène placebo, l’hypnose, les douleurs éprouvées aux extrêmes de la vie ou encore celles du torturé, restent à ce jour mal comprises lorsqu’on adopte un point de vue dualiste pour tenter d’analyser ce qui s’y produit. Enfin, la perspective à court terme d’une médecine de demain axée sur une gestion comptable des moyens à mettre en regard des résultats attendus devrait finir de nous inciter à revoir notre conception de la douleur qui, à ce jour, ne permet toujours pas une prise en charge optimale des patients douloureux en échec thérapeutique.