Cet article se propose d’étudier la relation particulière qu’Antoine Vitez entretient avec l’Électre de Sophocle. À trois reprises, en 1966, en 1971 et en 1986, il traduisit et mit en scène cette pièce différemment. Vitez distingue dans l’œuvre de Sophocle deux niveaux de lecture, celle du fait divers, la pauvre fille, pleurant sur son père assassiné et appelant son frère à la vengeance contre leur mère et son amant, et sa valeur allégorique, l’insoumission face à l’usurpation, la résistance à la tyrannie. Ces trois mises en scène sont intrinsèquement liées. Elles matérialisent la tension qui définit pour Vitez l’art théâtral, cette polarité du mythe, entre l’universel et le particulier, porteur à la fois du passé, du présent et de l’avenir. Le théâtre est le lieu de la contradiction. À travers cette tension permanente, Vitez met en scène sa propre réflexion critique.