L’épidémiologie de la pneumocystose (PCP) s’est modifiée ces dernières années et touche désormais préférentiellement des patients non infectés par le VIH et exposés à divers immunosuppresseurs (IS) [1]. Chez le sujet VIH, l’indication d’une prophylaxie médicamenteuse est bien codifiée [2]. Malheureusement, il n’existe pas de recommandations aussi claires dans d’autres contextes [3]. Nous avons voulu analyser le profil clinicobiologique des patients atteints de pathologies inflammatoires et auto-immunes (MAI) ayant une PCR Pneumocystis positive.Notre étude rétrospective porte sur des patients admis au CHU de Bordeaux entre janvier 2013 et janvier 2016 et ayant une qPCR (quantitative polymerase chain reaction) positive pour Pneumocystis jirovecii (PJ). Les patients ont été classés rétrospectivement en trois groupes : PCP certaine, possible et colonisation. Ces groupes ont été constitués indépendamment des valeurs de PCR, à partir des données cliniques, du résultat de l’examen direct des sécrétions respiratoires, de l’imagerie et du traitement administré.Cent-cinquante patients avaient au moins une PCR PJ positive, dont 39 patients VIH, 35 avec une hémopathie maligne, 26 greffés d’organes, 10 cancers solides, 7 avec des pathologies diverses et 33 avec une MAI (groupe intitulé « médecine interne »). Notre étude porte sur ce groupe « médecine interne ». Le ratio H/F était de 1,54, l’âge moyen de 66 ans. Six colonisations, 15 PCP certaines, et 12 PCP possibles étaient identifiées. Les pathologies sous-jacentes étaient respectivement : polyarthrite rhumatoïde (n=7 dont 2 avec vascularite), dermato/polymyosite (n=4), vascularites à ANCA (n=3), hépatite auto-immune (n=3), maladie de Horton/pseudopolyarthrite rhizomélique (n=3), cryoglobulinémie (n=3), pneumopathie interstitielle diffuse (n=2), néphropathie glomérulaire (n=2), anémie hémolytique auto-immune (n=1), hémophilie A acquise (n=1), spondylarthrite ankylosante(n=1), sclérodermie (n=1), sarcoïdose (n=1), myasthénie (n=1). Le délai moyen entre l’épisode de PCP suspecté et le diagnostic de la MAI était de 5,6ans (0–28ans). Une corticothérapie (CTC) était prescrite chez 97 % des patients avant l’admission, depuis en moyenne 3,4ans (19 jours–24ans) à la dose quotidienne moyenne de 29,4 mg (5–80 mg). Une dose>20 mg/jour était retrouvée dans 64 % des cas. Neuf patients (27 %) recevaient une CTC seule sans autre IS associé. Vingt-trois patients (70 %) avaient reçu en association à une CTC un traitement IS dans les 3 mois précédents (méthotrexate : 21 %, azathioprine : 12 %, rituximab : 12 %, cyclophosphamide : 6 %, mycophénolate : 3 %, ciclosporine : 3 %). Un antécédent de traitement par rituximab était noté chez 21 % des patients avec un délai moyen par rapport à la dernière injection de 1 an (26 j–3 ans), et un nombre moyen d’injections de 4,5. Un patient avait reçu un anti-TNF (etanercept) et un autre du tocilizumab mais ils avaient reçu d’autres IS depuis. Aucun des patients n’avait d’antécédent de PCP, un seul patient recevait une prophylaxie (pentacarinat). Un taux de lymphocytes CD4 avait été réalisé avant l’épisode chez 30 % des patients et était en moyenne de 709/mm3 (61–2 459). Un taux de lymphocytes CD4 avait été réalisé pendant l’épisode chez 66 % des patients et était en moyenne de 333/mm3 (12–1 202). Il était>200/mm3 dans plus de 70 % des cas. Le taux de lymphocytes totaux, disponible pour tous les patients, était en moyenne de 946/mm3. Plus de 60 % des patients avaient un taux>600/mm3. On dénombrait 13 décès au décours immédiat de l’épisode (40 %) dont 7 directement attribuables à la PCP (21 %).La PCP chez les patients de médecine interne est une pathologie sévère. Les délais de survenue par rapport au diagnostic de la MAI et le début du traitement IS notamment le rituximab sont très variables. Une corticothérapie est presque toujours retrouvée à des doses excédant souvent 20mg/j. Les taux de CD4 et de lymphocytes totaux ne permettent pas de guider l’indication d’une prophylaxie dans le contexte particulier des MAI.Une prophylaxie anti-PCP chez les patients de médecine interne doit être discutée indépendamment du taux de lymphocytes et avant tout en fonction d’un risque individuel basé sur le risque propre lié à la MAI, la présence d’une corticothérapie, et le type d’IS associé.