La découverte de nouveaux auto-anticorps au cours des myopathies inflammatoires a révolutionné leur prise en charge (diagnostic, traitement, surveillance) car certains de ces auto-anticorps sont associés à un tableau clinique particulier, d’autres à une néoplasie sous-jacente. Nous rapportons un cas clinique illustrant la nécessité de rester vigilant vis-à-vis de ces données immunologiques.Une femme de 62 ans, guadeloupéenne, était hospitalisée pour une altération de l’état général fébrile évoluant depuis 3 mois associée à une dysphagie totale et des myalgies. À l’examen clinique, elle présentait un déficit musculaire proximal sévère à 3/5, un érythème du visage et du cuir chevelu avec alopécie, des papules de Gottron du dos des mains, un signe de la manucure et un érythème péri-unguéal des 10 doigts. Les examens biologiques retrouvaient : un syndrome inflammatoire avec une CRP à 83mg/l, une myolyse avec CPK à 9 000UI/l et ASAT à 380UI/l. L’EMG et la biopsie musculaire confirmaient la suspicion diagnostique de dermatomyosite (DM). Les anticorps antinucléaires étaient positifs à 1/320 mouchetés. Le DOT-myosite retrouvait des anticorps anti-MI2, spécifiques de la DM et associés aux formes de meilleur pronostic avec bonne réponse au traitement et des anticorps anti-NXP-2 décrits au cours des formes juvéniles avec calcinoses profuses et des DM paranéoplasiques des patients de sexe masculin. Le bilan d’extension paranéoplasique montrait une masse du fond vésiculaire au scanner TAP dont l’échographie précisait le caractère tissulaire vascularisé mais dont l’exploration chirurgicale était différée par les anesthésistes en raison d’une contre-indication aux curares. La corticothérapie à 1mg/kg/j associée à du méthotrexate à 20mg/semaine ne permettant pas un contrôle de la DM, le traitement était renforcé par des cures d’immunoglobulines et 3 bolus de solumedrol IV et les explorations à la recherche d’une néoplasie étaient reprises. Une cholangio-IRM montrait une masse vésiculaire primitive envahissant le parenchyme hépatique avec épaississement hypermétabolique du bas fond vésiculaire au TEP-scanner. L’histologie finale mettait en évidence un cholangiocarcinome peu différencié avec localisations hépatiques. L’évolution était fatale en quelques semaines.Malgré son origine ethnique (moindre association de la DM aux cancers chez les sujets antillais) et son profil immunologique rassurant, la patiente présentait une authentique DM paranéoplasique associée à un cancer rare et grave. Parmi les 6 cas cliniques de cholangiocarcinome associés à une DM rapportés dans la littérature, un seul décrit une évolution non fatale. Notre observation souligne la nécessité du maintien d’un bilan d’extension systématique à la recherche d’un cancer au cours de la DM quel que soit le profil immunologique associé et invite à considérer avec circonspection la présence d’un anticorps anti-NXP-2.Notre observation rappelle le pronostic sombre des DM paranéoplasiques et l’importance de la recherche d’une néoplasie occulte lors de la découverte d’une DM, en particulier en cas d’évolution non favorable sous traitement intensif et indépendamment du profil immunologique associé.