En 2003, nous avions montré qu’une éosinopénie inférieure à 0,04G/L (en cas de CRP supérieure ou égale à 40mg/L et de leucocytose supérieure ou égale à 10,000/mm3) constituait un marqueur d’infection bactérienne au cours d’un syndrome inflammatoire [1]. Ce fait a ensuite été confirmé par d’autres études effectuées en secteur de réanimation, pneumologie et soins intensifs. L’objectif de ce travail est de proposer un score de probabilité d’infection bactérienne (score CIBLE : CRP, infections bactériennes, leucocytes, éosinophiles).Il s’agit d’une étude observationnelle et monocentrique portant sur les patients admis dans un service de médecine interne au cours de l’année 2015 et présentant un syndrome inflammatoire biologique défini par une CRP>20mg/L. Nous avons recueilli les données cliniques, biologiques, radiologiques et microbiologiques. À l’issue de la prise en charge, les patients ont été répartis en 2 groupes : maladies bactériennes confirmées (groupe 1) et maladies inflammatoires non bactériennes (groupe 2). Nous avons évalué le seuil optimal de probabilité d’infection bactérienne pour chacune des variables étudiées. Une régression logistique multivariée a sélectionné les données constituant le score CIBLE.Cent quatre-vingt-dix patients ont été inclus. Il s’agissait de 92 hommes (48,4 %) et 98 femmes (51,6 %). L’âge moyen de la population était de 73,5±18,2 ans [19–104]. Le groupe 1 comportait 124 patients (65,2 %) contre 66 patients (34,8 %) pour le groupe 2. Dans le groupe 1, la valeur moyenne des leucocytes était de 15,48G/L contre 13,71 (p=0,01), les polynucléaires neutrophiles étaient à 12,74G/L contre 10,1G/L (p<0,001) et les polynucléaires éosinophiles étaient à 0,075G/L contre 0,198G/L (0,001). Le rapport PNE/PNN×1000 était de 7,76 dans le groupe 1 contre 21,41 dans le groupe 2 (p>0,001). La CRP moyenne était à 163,44mg/L contre 105,24mg/L (p<0,001). Le score IGS2 était de 27,33 contre 22,29 (p<0,001). Les patients étaient significativement plus âgés dans le groupe 1 (76,48 vs 68,08 ; p=0,003) et il y avait significativement plus de patients atteints de bronchopneumopathie chronique (26 vs 5 ; p=0,005). L’analyse par courbe ROC confirmait le seuil à 0,04G/L comme facteur discriminant pour distinguer une infection bactérienne. En analyse multivariée, le rapport éosinophiles/neutrophiles×1000, l’antécédent de BPCO, la valeur de la CRP, l’âge du patient et la présence d’une température initiale >38°3 ou <36°, étaient les variables les plus significatives et ont constitué le nomogramme du score CIBLE. Pour un score CIBLE supérieur ou égal à 87, la probabilité d’une infection bactérienne est égale ou supérieure à 70 %.La majorité des études confirme que le seuil de 0,04G/L d’éosinophile permet d’évoquer une origine bactérienne à un syndrome inflammatoire, mais que ce seuil serait également prédictif de mortalité dans les secteurs de soins intensifs [2]. Aucune étude n’a essayé d’aborder la probabilité diagnostique en intégrant d’autres paramètres, ce que tente de faire le score CIBLE. De nombreux biais sont néanmoins à discuter : la difficulté d’affirmer le diagnostic de pneumopathie bactérienne, l’absence de validation interne du score CIBLE ou l’absence de comparaison à la procalcitonine.L’étude confirme l’association entre une éosinopénie et la probabilité d’une infection bactérienne. Le score CIBLE est le premier, à notre connaissance, intégrant la valeur du taux de polynucléaires éosinophiles pour établir une probabilité d’infection bactérienne.