Seuls les morphiniques font disparaitre certaines douleurs intenses, mais leur prescription prolongee reste entachee de la crainte de voir se developper une tolerance, se traduisant par une augmentation de la dose necessaire pour obtenir le meme effet analgesique. De fait, une tolerance (et une dependance) s'observent, dans certaines conditions, lors d'autoadministration. Rien ne permet de penser qu'un traitement morphinique ait les memes consequences qu'une autoadministration. Bien au contraire, le developpement d'une tolerance et d'une dependance vis-a-vis de la morphine est tres rare, voire totalement absent, en cas de douleur chronique. Dans certains cas exceptionnels, le traitement, malgre une bonne indication et l'augmentation importante des doses, perd totalement son effet antalgique, sans qu'aucun signe de ; surdosage ; apparaisse, ce qui amene a parler de ; resistance ; a la morphine. La tolerance se definit comme le deplacement vers la droite d'une courbe dose-reponse pour un produit. On observe rarement de tolerance a l'ensemble des actions d'un produit. Ainsi, chez l'homme, il n'y a pas de tolerance aux effets des opioides sur le tractus digestif: la constipation est l'une des consequences les plus genantes de leur administration chronique. En revanche, l'action emetisante de la morphine (lorsqu'elle existe) disparait vite lors de son utilisation rationnelle, ce qui temoigne du developpement rapide d'une tolerance a cet effet. Diverses hypotheses ont ete emises pour expliquer le developpement d'une tolerance, mais les conditions dans lesquelles la tolerance aux effets analgesiques des opioides a ete le plus etudiee chez l'animal sont tres eloignees des situations cliniques. Chez l'homme souffrant de douleurs cancereuses en fin de vie (ou des cas de resistance ou traitement morphinique ont ete decrits), des modifications des mecanismes physiologiques de la douleur sont susceptibles d'aboutir a un desequilibre entre facteurs excitateurs (transmission de la douleur) et inhibiteurs (assures par les systemes de controle endogene de la nociception), pouvant expliquer l'inefficacite analgesique des morphiniques. En outre, des alterations de l'etat psychologique des patients, en tant qu'element modulateur de la perception de la douleur, ne sont pas a negliger. Ces situations exceptionnelles ne sauraient constituer un argument pour restreindre l'usage des morphiniques chez les malades dont les douleurs sont telles qu'elles ne peuvent etre calmees que par ces antalgiques.