L’alimentation intuitive, très peu étudiée en France, est caractérisée par une consommation motivée par les signaux physiologiques de faim et de satiété plutôt que dépendante de la situation et des émotions, couplée à une faible préoccupation vis-à-vis de l’alimentation. Elle a été proposée comme une alternative potentielle aux régimes restrictifs et pourrait favoriser une alimentation saine. Afin d’évaluer ce type de comportement et son influence sur les consommations alimentaires et le poids en population générale, il est nécessaire de disposer d’un instrument de mesure valide et fiable. L’objectif de cette étude était donc de traduire et valider l’échelle « Intuitive Eating Scale-2 » (IES-2) permettant de mesurer l’alimentation intuitive.La version originale du IES-2 a été traduite puis soumise à un échantillon de 1000 participants issus de la cohorte NutriNet-Santé tirés au sort afin d’être représentatifs de la population française en termes de sexe, d’âge et de niveau d’éducation. La validité de construit du questionnaire a été évaluée en testant des hypothèses sur i) la structure dimensionnelle, ii) les corrélations avec les scores du « Three Factor Eating Questionnaire – R21 » et de l’échelle « Center for Epidemiological Studies- Depression scale », iii) les différences entre des sous-groupes de population définis à priori selon le sexe et la pratique de régimes pour maigrir. La cohérence interne et la fidélité test-retest ont également été évaluées.Un total de 632 sujets ont participé à cette étude de validation. Une analyse factorielle exploratoire a mis en évidence des divergences avec la version originale ; un facteur et deux items appartenant à un autre facteur ont dû être supprimés, avec pour résultat une structure à trois facteurs : 1) Manger pour des raisons physiques plutôt qu’émotionnelles, 2) Recourir à ses signaux de faim et de satiété et 3) Permission inconditionnelle de manger. Cette structure a été confirmée par analyse factorielle confirmatoire. Le score IES-2 était négativement corrélé à la restriction cognitive(r=– 0,31, P<0,0001), à l’alimentation liée aux émotions (r=– 0,58, P<0,0001), à l’alimentation incontrôlée (r=– 0,40, P<0,0001) et aux symptômes dépressifs (r=– 0,20, P<0,0001). Les femmes avaient un score IES-2 plus faible que les hommes. Les personnes ayant déjà été ou étant au régime avaient des scores plus faibles que ceux n’ayant jamais fait de régime. La cohérence interne (coefficient alpha ordinal =0,85) et la fidélité de l’échelle totale (coefficient intra-class =0,79 sur une période de 8 semaines en moyenne) et des sous-échelles étaient satisfaisantes.La version française du questionnaire a démontré une validité et une fiabilité satisfaisante. Ce questionnaire pourra permettre aux cliniciens et aux chercheurs d’évaluer les comportements d’alimentation intuitive et de mieux comprendre leur rôle et les relations avec la consommation alimentaire et le poids au sein de la population française.